Ce 25 septembre dernier, notre section apicole a eu le plaisir de recevoir Agnès Fayet, journaliste et coordinatrice des activités du CARI. Notre conférencière a axé son exposé sur la peur des êtres humains face aux nouvelles technologies et notamment les biotechnologies c’est-à-dire ces technologies au service de la vie.
Les OGM laissent les apiculteurs perplexes sur les risques de leur toxicité sur la santé des abeilles mais ils ont l’avantage d’être sous la pression des citoyens qui exigent des programmes de surveillance et de recherches environnementales. D’autres polluants émergents, les « nanocides », des matériaux d’un milliardième de mètre issus des nanotechnologies, sont mal identifiés mais déjà fortement utilisés en médecine, dans les systèmes de traitement des eaux, les procédés de transformations alimentaires et dans l’agriculture. Ils échappent à tout contrôle du fait de leur méconnaissance par les consommateurs, de la rapidité de leur mise sur le marché et de la lenteur des régulations juridiques.
Les « nanocides » regroupent les nanoparticules antimicrobiennes à usage médical, domestique ou industriel et les nouveaux pesticides à base de nanomatériaux. De par leur taille insignifiante, les « nanocides » ont la capacité de traverser les membranes encéphaliques (du cerveau), les membranes cellulaires animales et végétales pour cibler, identifier ou détruire tout agent pathogène ou pour y introduire des molécules extérieures ou modifier l’ADN de cellules souches.
Actuellement, nous trouvons sur le marché des centaines de produits manufacturés d’usage courant contenant des nano particules sans étiquetages particuliers. Ils sont nombreux comme agents bactéricides dans les cosmétiques, déodorants, vêtements de sports, matériaux de construction, réfrigérateurs, emballage de produits alimentaires, produits d’entretien, de soin, etc…
L’apiculteur utilise inconsciemment nombre de ces produits brevetés notamment dans les peintures isolantes pour ruches, granulés pour enfumoirs, produits d’entretien et phytosanitaires au rucher.
Dans l’univers des « nanocides », relevons plus particulièrement le « nano argent », le biocide le plus vendu et diffusé dans notre environnement avant le carbone et le zinc. Son action bactéricide est reconnue contre les multiples souches pathogènes dans le domaine médical, pharmaceutique et agro-alimentaire, mais combiné à d’autres substances actives, sa nocivité devient dangereuse. Des études ont mis en évidence que son accumulation dans l’environnement présentait des risques de toxicité grave pour la flore et la faune aquatique. Malheureusement, jusqu’à présent aucune étude de ces « nanocides », ne nous renseigne sur leur persistance dans l’environnement ou leur accumulation dans les chaînes alimentaires ou dans les organes des êtres vivants. Un élément non toxique peut le devenir à l’échelon nanométrique. Deux techniques d’utilisation des « nanocides » sont appliquées actuellement en agriculture:
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La « nano-encapsulation » qui piège les composés bioactifs par enrobage pour les protéger, les retenir et les libérer de façon contrôlée au bon moment et au bon endroit (ex: meilleure dissolution dans l’eau et meilleur apport de composés de base pour une germination et une croissance rapide entre autre grâce aux nanoparticules de dioxyde de titane ou nanotubes de carbones, etc…).
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Les « nanocapteurs » à base de nanomatériaux de carbone, argent, silice, sont capables de détecter les conditions environnementales d’humidité, de pression, de température, les bactéries, virus et champignons pathogènes. Ils permettent de cibler les traitements adéquats et l’utilisation rationnelle des produits phytosanitaires.
Pour anticiper les problèmes qui pourraient être soulevés dans nos pays occidentaux par les opposants aux développements des technologies High Tech, les phyto-industries admettent que les insecticides traditionnels sont néfastes et couteux, les solutions alternatives de gestion intégrée contre les ravageurs peu fiables à grande échelle. Elles argumentent, en amont, le besoin d’un ciblage efficace des ravageurs pour un meilleur contrôle d’utilisation des quantités de pesticides et de leur fréquence d’application, et ce pour réduire les coûts économiques et écologiques. Malheureusement, avec absence d’études de leur innocuité et pas d’application de principe de précaution.
Quels dangers pour les abeilles face à ces nouvelles biotechnologies que sont les OGM et les « NANOCIDES » ?
Aucune réponse actuelle car peu ou pas d’évaluation toxicologique et éco-toxicologique. Le grand silence argumente Agnès FAYET, mais restons vigilants sur les risques sanitaires liés à l’ingestion par nos abeilles des nano particules qui pourraient à longue échéance altérer leur ADN et interrogatifs face aux responsabilités des pouvoirs publics. Agnès FAYET oriente également son discours sur la survie de nos abeilles dans un environnement bouleversé par l’être humain. La mondialisation a entraîné notre planète à devenir, suivant le concept, un « grand jardin planétaire ». La terre est devenue un espace clos, fini, arpentable que l’homme aménage et exploite à son seul profit aux conséquences désastreuses pour bon nombre d’espèces sauvages. Fini les grandes fluctuations naturelles qui ont mis en place une diversité végétale et animale dans laquelle notre abeille sauvage s’est adaptée pour survivre. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère géologique qu’un prix Nobel de chimie, Paul CRUTZEN, a nommée « l’anthropocène », qui a débuté avec la révolution industrielle mais connaît une phase de « grande accélération » depuis 1945.
Notre « abeille sauvage », captive de cavités naturelles, de paniers d’osier est devenue « abeille domestique » depuis l’invention des ruches à cadres mobiles. Asservie pour les intérêts humains sans grand cas de sa biologie, elle supporte la régression de l’essaimage, l’insémination artificielle, la sélection génétique, le nourrissement de substitution, l’introduction de produits chimiques, la surexploitation du miel, de la propolis, du pollen, de la gelée royale. Mais n’oublions pas les transhumances excessives, les modifications et pertes de biodiversité de son environnement, les monocultures, l’emploi de pesticides systémiques, les nouveaux parasites véhiculés par l’homme, etc…
En conclusion, Agnès FAYET demande aux apiculteurs de repenser à une « apiculture plus naturelle ». Evitons la surexploitation des colonies, des croisements multiples qui fragilisent les résistances naturelles, laissons à l’abeille ses besoins fondamentaux comme le miel, la propolis très importante pour faire face aux maladies, offrons lui la possibilité de construire ses rayons avec sa propre cire, laissons-lui le temps de surmonter les stress environnementaux, observons sa résistance aux varroas sans aucun traitement, protégeons la du frelon asiatique qui arrive dans nos villes, etc…
Peut-être devrions-nous garder quelques colonies à l’état naturel, sans idée de rentabilité, pour une observation à longue échéance. Mettre en place un nouveau modèle apicole pour laisser le temps à l’abeille de se forger les caractères de résistance et de survie dans un monde bouleversé.
Mais soyons réaliste, cela est-il encore possible dans notre apiculture dirigée?
M.-Jo. GREUSE